compte-rendu : week-end 11-12 décembre 2021
4e pratique croisée, Graham & Cunningham
Le mois de décembre a clos l’année en grande pompe, mettant en perspective Graham et Cunningham, deux pratiques avec des liens historiques et personnels forts. Elles ont été confrontées au-delà des clichés… car les clichés, que ce soit sur le travail de Martha Graham comme de Merce Cunningham, il y en a beaucoup (trop) !
L’expérience des deux professeurs, leur expérience de chaque technique respective mais surtout du répertoire (répertoire Cunningham pour Anna Chirescu au CNCD d’Angers sous la direction de Robert Swington et répertoire Graham pour Jean-Baptiste Ferreira au sein de Graham 2 à New York) leur permet d’avoir une approche qui n’est pas scolaire mais qui est bien artistique, connectée à la vision du créateur et de sa philosophie.
Bien qu’assujetti à des principes philosophiques, un processus de travail et des chorégraphies radicalement différents, la technique de Merce Cunningham représente une évolution de celle de Martha Graham. Il y a bel et bien une continuité. À la suite de sa formation qu’il a directement reçu de Martha Graham, en tant que danseur dans sa compagnie, Cunningham n’a pas gardé le travail au sol, pourtant fondateur et iconique chez Graham. Il s’est aussi éloigné de la construction d’une gestuelle « organique », explorant toutes les directions et possibles du corps humain.
Chez Graham en effet, la contraction appelle le release, la spiral dans un sens celle dans le sens inverse ; ce déroulement logique ne peut être contourné. Mais doit-on pour autant, chez Cunningham, abandonner toute recherche d'organicité du mouvement dans cette suite des évènements souvent imprévisible et inattendue ?
La fameuse contraction Graham prend soudainement toute son épaisseur : aux côtés du Cunningham, elle n’est pas qu’une curve du dos. Elle est une action, modulable en terme d’énergie et de couleur, qui peut s’explorer dans des qualités différentes (celle qui pèse, celle qui suspend, etc.)
Enfin, le travail plus en globalité du Cunningham a également contrasté à la « séquentialité » du Graham.]
En Cunningham, il n’y aurait pas de question d’expressivité, d’implication émotionnelle et d’intensité dramatique, comme en Graham. Il y a simplement des gens qui dansent, dans leur humanité. Si certains ont apprécié le caractère passionnel et « feu intérieur » du Graham, ils apprécient par ailleurs aussi le Cunningham dans une qualité plus diffuse d’énergie, dans un déploiement.
Le point commun des deux pratiques de ce week-end :
l’envie de se nourrir de produits artistiques et pédagogiques de chorégraphes majeures du 20e [ème siècle], enrichis par plusieurs générations de danseurs-pédagogues
le cadre bienveillant avec des professeurs dont l’expérience d’une tradition n’entrave en rien leur ouverture d’esprit et exploration personnelle.
Rafael Molina, Directeur Artistique de Graham For Europe